Comment sont tournées les scènes de sexe au cinéma ? Rencontre avec Rebeca Medina, coordinatrice d'intimité pour les tournages de séries internationales

Rebeca Medina, vous êtes coordinatrice d'intimité. Parlez-nous de ce métier encore méconnu du grand public.

R.M : Pour faire simple, le travail d’un coordinateur d’intimité consiste à créer un environnement de travail sain lors des tournages pour les artistes qui doivent tourner des scènes de nudité ou de sexe. Nous travaillons avec les réalisateurs pour que le consentement et les limites des artistes soient respectés. En parallèle, nous sommes leur lien direct avec les artistes afin qu’ils puissent communiquer et indiquer leurs limites. Ainsi, on s’assure que tout le monde est en harmonie avant d’aller répéter ou filmer. Nous sommes le lien entre tous les départements impliqués dans les scènes intimes (production, direction artistique, costumes, maquillage, coiffure…). Nous sommes également là pour vérifier que tous les protocoles tels que l’usage de sous-vêtements spécifiques ou les directives syndicales soient rigoureusement appliqués.

Comment êtes-vous devenue coordinatrice d’intimité ?

R.M : J’ai été coach d’acteurs pendant des années. À plusieurs reprises, j’ai aidé des artistes et des réalisateurs pour des scènes intimes, bien avant que ce métier devienne une spécialité. Le fait d'avoir beaucoup travaillé avec des mineurs a joué en ma faveur. Lorsque tu travailles avec des enfants, il ne faut pas seulement qu'ils jouent bien. Il faut également créer un environnement sûr aussi bien devant que derrière les caméras afin de les protéger de n’importe quelle situation qui pourrait être abusive. J’ai eu l’opportunité de devenir coordinatrice d’intimité quand je travaillais comme coach d’acteur pour la série « Now And Then », la première production espagnole pour Apple TV. C’était début 2021, et nous venions de sortir du confinement. Voyager entre les États-Unis et l’Espagne était très compliqué, et il y avait des acteurs du syndicat SAG AFTRA dans la série. Ces acteurs devaient donc avoir un coordinateur d’intimité pendant la phase de pré-production et les tournages des scènes intimes. Ils avaient donc besoin d’un coordinateur d’intimité, mais il n’y en avait pas encore en Espagne. La productrice a parlé de moi à Apple TV+. Ils ont évalué mon expérience et ont considéré que j’étais la personne idéale pour faire ce travail. Ils m’ont formé à certaines spécificités nécessaires pour ce poste. Lorsque j’ai terminé la série, j’ai contacté Amanda Blumenthal pour commencer ma certification IPA (International Professionals Association). C’est l’un des sept uniques programmes de formation accrédités par le syndicat américain SAG AFTRA.

Vous avez travaillé pour plus de 250 scènes intimes, aussi bien dans des productions espagnoles qu’internationales. Comment parvenez-vous à créer cet environnement de confiance entre les acteurs et actrices lors des tournages ?

R.M : La communication, l’empathie et l’écoute active sont les clés. C’est très important d'être conscient des besoins de la personne qui doit tourner ce genre de scènes où elle se retrouve vulnérable et surexposée aussi bien physiquement qu’émotionnellement. Je parle aussi avec le réalisateur pour qu’il explique ce qu’il a prévu pour le tournage. Je transmets ensuite l’information à l’acteur, et à partir de là, on crée un espace neutre où il est libre d’exprimer ses préoccupations, ses limites, ses besoins, sans la pression qu’il peut y avoir lorsqu'on s’adresse directement à la production ou aux réalisateurs. Il y a aussi un espace de confidentialité totale où les acteurs, s'ils le souhaitent, peuvent m’expliquer pourquoi ils décident de ne pas faire certaines choses. Ces informations restent entre eux et moi. C’est un engagement qui respecte leur droit de ne pas vouloir partager des choses de leur vie personnelle et intime. Mon objectif est que toutes les personnes impliquées dans le tournage de scènes intimes soient satisfaites, respectées et en lieu sûr.

Vous avez récemment travailler pour la sérié « Nacho », qui retrace la vie de l’acteur porno Nacho Vidal. Comment s’est déroulé le tournage ?

R.M : C’était passionnant ! Nous avons tourné plus de 150 scènes de nu, avec du contenu très intime dont de la violence sexuelle. Ça a été un travail dur pour tout le monde, que ce soit les acteurs principaux mais également les figurants. De vrais acteurs porno ont participé au tournage, ce que a facilité le travail. Dans la série, ce n’est pas du porno. Aucune des scènes de sexe est réelle. En pré-production, on a travaillé et enquêté pour comprendre les règles du porno et les différentes pratiques de BDSM. On a utilisé des centaines de sous-vêtements spécifiques. Pour les scènes dénudées, les acteurs portaient une coquille que j’ai moi-même confectionnée. Les costumiers les ont reproduits pour que chaque acteur ait le sien. On ajoutait une protection physique pour éviter le frottement lors des scènes de sexe. Pour les actrices, on utilisait des sous-vêtements couleur chair sans ficelles sur les côtés.

Selon vous, qu’est-ce que votre métier apporte à l’industrie cinématographique ?

R.M : Avoir une coordinatrice d’intimité au sein de la production est important. Nous rendons le tournage plus efficace. Le fait de prévoir à l’avance le tournage des scènes fait économiser du temps et de l’argent, car les acteurs se sentent mieux préparés, sont plus tranquilles et disponibles. On protège la sécurité psychologique, émotionnelle et physique des acteurs. On évite ainsi les abus de pouvoir qui peuvent exister entre les réalisateurs, les productions et le casting. Grâce à notre travail, les acteurs jouent mieux, car plus ils se sentent bien, mieux sera son jeu d’acteur.

Cette interview a été traduite de l’espagnol. Pour la retrouver dans sa version originale et complète, cliquez ici.

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